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« Une voix manque pour rassembler l’Europe et l’entraîner »

Le président du MoDem a reproché mercredi sur France Info à François Hollande d’être « à la traîne » d’Angela Merkel et déploré un « manque d’autorité de la France », dont la voix « manque en Europe » dans la crise des migrants.

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Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

L’espace Schengen est-il mort ? Hongrie, Pologne, Tchéquie, Slovaquie, ne veulent pas de quotas de migrants, des frontières se ferment, l’Europe se déchire. Est-ce l’heure de vérité ?

C’est le rendez-vous de l’Europe. Pour l’instant, ce que tout le monde observe – les uns en se réjouissant, les autres en le regrettant – c’est que l’Europe n’arrive pas à s’organiser en face d’un phénomène qui frappe tous les pays, tout l’ensemble européen. Et c’est l’Europe qui manque le plus d’une volonté. Cette volonté – à mon sens – devrait être formulée en deux étapes. Je dis cela aussi en pensant au débat de cet après-midi à l’Assemblée nationale. Première étape : il y a l’urgence : des gens sont abandonnés sur les routes et sont sans aucun recours.

Là maintenant, en ce moment.

Aucun recours en ce moment où nous parlons. L’urgence doit, en effet, conduire à des solutions humanitaires pour réaliser un accueil et un secours. C’est la première chose.

Ce n’est pas le cas pour l’instant.

Oui, ce n’est pas le cas, ou ce n’est pas suffisamment le cas, ce n’est pas suffisamment bien organisé pour que ce soit le cas. De ce point de vue là, des gens, des hommes, des familles qui sont abandonnés, on doit les secourir, c’est la première étape. Mais il y a une deuxième étape : une réflexion dans laquelle, pour l’instant, on n’est pas entré parce que je ne crois pas, moi, que ces chiffres suffiront – les 24 000 que l’on nous annonce – et je ne crois pas non plus que l’on puisse simplement intégrer des centaines de milliers ou millions de personnes.

Vous pensez que ce chiffre sera dépassé ?

Je crains que ce chiffre sera dépassé. Vous avez vu ce qu’il s’est passé à la frontière allemande. Les chiffres qui avaient été annoncés par l’Allemagne ont créé un appel et cet appel a fait que des dizaines de milliers de personnes supplémentaires ou centaines de milliers de personnes supplémentaires se sont mises en route. Mais nous ne pouvons pas être, nous, la solution à ces problèmes terribles et donner ainsi la victoire à tous les Daech de la Terre. Parce que, ce qu’ils veulent – peut-être on n’y fait pas assez attention – c’est que les réfugiés s’en aillent. Parce que les réfugiés qui partent leur abandonnent le terrain, leur abandonnent la région et ils peuvent ainsi la mettre en coupe réglée et la mettre sous leur dictature. Ceci n’est pas la solution à laquelle nous devons aspirer. La solution que nous devons chercher, c’est la création par les puissances – et notamment les puissances de la région, l’Europe et les Etats-Unis – de zones protégées sur place.

Vous voulez dire où ? En Syrie, en Irak ?

En Syrie, en Irak. Nous avons les moyens militaires d’isoler des zones ne serait-ce que parce que nous avons la maitrise du ciel. L’idée est que nous définissions des zones qui seront protégées, sécurisées et de refuges dans lesquelles la vie pourra s’organiser de manière différente. C’est pour moi la seule solution possible que nous puissions trouver pour que l’on ne soit pas uniquement dans l’improvisation de l’urgence, pour que l’on ait une visibilité de long terme. Alors, pour l’instant, les textes internationaux qui devraient régir ce genre de choses n’existent pas ou n’existent pas bien, c’est notre responsabilité que de les proposer, spécialement la responsabilité de la France parce que je trouve que la France est à la remorque d’Angela Merkel.

C’est une idée de François Bayrou ou c’est une idée qui vous semble circuler, maintenant, dans l’esprit des dirigeants internationaux ?

C’est une idée que j’avance parce que, devant des problèmes de cet ordre, il est temps d’avancer des solutions concrètes. Pour l’instant, on se contente de vœux, de choses de bienveillance verbales et dans la réalité – vous voyez bien – on en est très loin. Je suis pour des solutions concrètes qui permettent de sortir d’une impasse à laquelle personne ne voit une issue.

Vous trouvez que François Hollande, le Président de la République, a les bonnes réponses ?

François Hollande est à la traine d’Angela Merkel et il est très largement dans l’improvisation.

Pourquoi vous dites cela ?

Parce que c’est ce que tout le monde voit. On a avancé l’idée d’une répartition – de quotas, comme on a dit, le mot n’est pas très joli – des réfugiés en désignant le nombre que chaque pays devait prendre. Au début François Hollande a dit « non » et deux semaines après il dit « oui » et il se fait le propagandiste parce qu’Angela Merkel a elle-même pris cette autorité. Je comprends très bien qu’un grand pays comme l’Allemagne, en bonne santé économique – parce qu’ils ont fait ce qu’il fallait – ait une influence forte. Je voudrais que la France soit au même niveau parce que, autrement, l’Europe est bancale et, autrement, tout le monde voit bien qu’il y a autre chose qui manque, une voix qui manque pour rassembler l’Europe et l’entrainer.

Alors, dans l’opposition, Nicolas Sarkozy réunit Les Républicains ce matin pour tenter d’établir une ligne commune sur la question de l’immigration. L’opposition ne parle pas d’une seule et même voix, du moins Les Républicains là-dessus.

L’opposition ne parle pas d’une seule et même voix, la majorité ne parle pas d’une seule et même voix et si vous me trouvez, en France, des gens qui parlent, aujourd’hui, d’une seule et même voix, vous aurez la prime. Vous voyez bien les choses, il ne faut pas asséner des jugements, c’est très difficile comme sujet et il est normal que des sensibilités différentes s’expriment. Ce qui n’est pas normal, ce sont ceux qui disaient « On va trier en fonction de la religion » : c’est évidemment impossible ! Le devoir de secours envers le plus faible ne se distingue pas selon la religion ou l’origine.

Vous avez la sensation que l’ombre de Marine Le Pen n’est pas loin au dessus des têtes ? Il y a les régionales bientôt, le sujet est dans tous les esprits.

On voit bien que c’est un sujet électoralement porteur pour l’extrême-droite. La question est que les solutions de l’extrême-droite, je ne crois pas qu’elles puissent permettre de résoudre cette question et même les obsessions. Je pense que ce qui est en train de se passer sur l’ensemble de la planète – ou en tout cas au Proche-Orient, Moyen-Orient, Europe – appelle des réponses dont un pays qui s’isole ne pourra pas trouver la clé, c’est impossible. Évidemment, on voit la faiblesse – ou les faiblesses – de l’Europe et ce que l’on voit encore davantage c’est le besoin qu’on aurait d’avoir une Europe qui soit simple, qui sache parler d’une voix unie et pour l’instant, on n’en est pas là ; ce qui souligne encore le manque d’autorité de la France pour que cette Europe existe.

Alors, François Bayrou, dans la vie politique, il y a une primaire qui se dessine à droite, votre ami et voisin régional Alain Juppé y est engagé, c’est la foire aux présidentiables chez les Républicains ?

Ce n’est pas la multiplication des pains, en effet, mais c’est la multiplication des candidats à la primaire et tout le monde voit que tout cela n’est pas décanté encore. C’est un mécanisme sur lequel, pour ma part, vous le savez, j’ai des doutes. C’est un mécanisme qui favorise les plus agressifs, ceux qui se présentent avec des solutions simplistes.

Un peu comme Donald Trump aux Etats-Unis ?

C’est exactement cela. Si vous regardez la primaire américaine, c’est Donald Trump qui est en tête de la primaire américaine. Si vous regardez ce qu’il s’est passé au Parti travailliste britannique, c’est Jeremy Corbyn qui a mobilisé les deux tiers des voix. Tout le monde voit bien que cette course au plus dur dans chaque camp est une course qui ne permettra pas d’apporter à la France les personnalités et les solutions qui s’imposent. C’est pourquoi les mois qui viennent devraient nous faire songer à une mobilisation sur ce point.

Et est-ce que les mois qui viennent devraient faire songer à François Bayrou éventuellement de s’avancer vers une candidature à la présidentielle ?

Oui, je sais que c’est une question à réitérer.

Vous y aurez droit à chaque fois.

Je veux vous dire simplement que je ne suis absolument pas dans cette perspective là.

Trop tôt ?

J’essaie de dégager ou de montrer quel est l’ennemi auquel nous sommes confrontés, et l’ennemi c’est l’impuissance publique – le fait que l’on n’arrive à résoudre aucune question – et en même temps d’apporter des solutions concrètes, ou de proposer des solutions concrètes pour que l’on sorte enfin du blabla. Je viens d’essayer de le faire avec les réfugiés et la proposition de zones protégées.

François Bayrou, ultime question : une nomination fait polémique, celle de François Villeroy de Galhau à la tête de la Banque de France, vous en pensez quoi, vous ?

Je ne suis pas souvent d’accord avec les nominations de François Hollande – il m’arrive très souvent de les critiquer – mais ici, François Villeroy de Galhau c’est quelqu’un qui remplit, à mon sens, les deux conditions nécessaires : compétence indiscutable et sens moral indiscutable, c’est assez rare pour que l’on puisse le dire. Alors il y a des critiques qui disent « Mais il travaillait à la BNP il y a quelques mois avant d’être nommé à la Banque de France », je veux simplement rappeler – ils le savent très bien, ceux qui nourrissent cette polémique – que la Banque de France ne contrôle plus les banques, c’est désormais la Banque centrale européenne qui contrôle pour éviter qu’il y ait des dérives. C’est quelqu’un qui mérite l’attention et le respect.

Et qui a votre soutien, ce matin. Merci à vous, François Bayrou, d’avoir été notre invité ce matin.

 

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