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« C’est par le peuple que viendra la réponse à ce que le peuple a écarté hier »

Selon François Bayrou, le Brexit doit encourager à simplifier l’Union européenne et à la recentrer sur l’essentiel. Retrouvez ici l’entretien accordé par le président du MoDem à Europe 1.
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Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Les Britanniques déchirent le voile, cela fait longtemps que l’Europe nous déçoit et eux en tirent les conséquences d’une certaine manière.

C’est un saut dans l’inconnu. L’idée que Boris Johnson défend me paraît hors de propos, il dit : « ce n’est pas parce que l’on s’en va que ça va changer quelque chose ». Le climat dans les instances de décisions européennes va évidemment changer profondément parce que chaque fois qu’un représentant britannique va vouloir se mêler d’une question, on va évidemment s’exposer à un refus. Il y a 1200 fonctionnaires britanniques très importants, ils avaient marqué des points depuis des décennies, ils avaient savamment installé leurs diplomates dans beaucoup de fonctions essentielles dans des domaines comme l’agriculture, le commerce, et là maintenant il faut qu’ils s’en aillent. Cela va permettre à l’Europe de se forger une nouvelle idée. La principale question est : qu’allons-nous faire du projet européen ? La Grande-Bretagne a décidé de sortir, elle va d’ailleurs connaitre des divisions internes terribles avec l’Écosse et l’Irlande. Quand vous pensez que l’on va devoir remettre des postes aux frontières entre Dublin et Belfast… Il va falloir des gardes-frontières et des passeports ! Vous avez entendu Sinn Fein ce matin dire : « faisons un référendum pour la réunification de l’Irlande » et l’Écosse « faisons un référendum pour nous séparer de la Grande-Bretagne puisque nous voulons rester dans l’Union Européenne et nos citoyens veulent le manifester par le vote ».

Beaucoup d’Européens convaincus disent que c’est l’occasion pour relancer l’Europe.

Qui a la responsabilité ? Je pense que la responsabilité appartient aux dirigeants. Le problème que l’on a rencontré est que les dirigeants, particulièrement les dirigeants français, sont restés sans rien dire de compréhensible sur le destin de l’Europe durant la dernière période. Quand il y avait des sommets Angela Merkel / François Hollande, il s’agissait de conférences de presse de langue de bois afin de rester suffisamment longtemps à l’antenne pour faire croire que l’on avait dit quelque chose.

Et maintenant, peut-on dire des choses concrètes ?

Je pense que l’on peut dire des choses concrètes à condition que l’on ait des choses concrètes dans la tête. Un homme d’Etat doit répondre à deux exigences : avoir une vision et être capable de faire partager cette vision à ceux qui l’ont élu, à son peuple, à ceux qu’il doit entrainer. Pour le moment, on ne peut pas dire que cela ait été frappant dans la manière dont les dirigeants français se sont comportés au travers du temps. Donc nous sommes là devant une responsabilité d’hommes d’État, pas de gens qui suivent l’opinion mais de gens qui sont capables de proposer un chemin et un horizon. Les questions auxquelles on doit répondre pour que ça ne reste pas des phrases vides sont les suivantes : la première question est d’une nécessité brûlante et impossible à écarter, les décisions européennes relèvent d’une démocratie dans lesquelles les peuples ont quelque chose à comprendre et à savoir, ça veut dire que personne ne sait quelles décisions on prépare à Bruxelles, de quelles manières ces décisions sont mises en place et quand elles sont prises. Deuxième question, les citoyens ont le droit, non seulement à une information, mais aussi à une participation par leurs élus nationaux aux décisions prises. Nous sommes dans une Europe diplomatique, il faut faire une Europe démocratique. Il faut que tous ceux qui nous écoutent sachent ce que l’on prépare pour octobre, novembre, décembre au sein de l’Union européenne. Pour l’instant cela n’a jamais été fait et c’est très facile à faire. Deuxième point : l’Europe doit s’occuper de l’essentiel et non de l’accessoire ! Je vous donne une idée simple : on a des normes à produire pour que l’on puisse échanger des produits – ces derniers doivent correspondre à un certain nombre de règles – et bien créons un institut de normalisation qui soit distinct de l’Europe politique. Mettons cette organisation à Milan, Varsovie ou Marseille, comme on veut, mais qu’on ne la confonde plus avec le travail politique sur les grandes questions du monde que l’Europe doit conduire ensemble.

Il y a une question qui est inévitable puisque les Britanniques ont voté : pourquoi le peuple français ne voterait-il pas ?

Je vais vous dire une chose : je n’ai pas peur des choix du peuple, je n’ai pas peur des débats avec le peuple. Par exemple, j’ai été en désaccord avec le traité de Lisbonne, je n’ai pas voulu voter pour ce traité car on avait voulu faire un référendum et on est passé par un traité diplomatique c’est-à-dire quelque chose dont les gens se sont sentis exclus et beaucoup en ont ressenti une brûlure. Mais on ne pourra faire un référendum que le jour où il y aura un projet, le jour où nous pourrons dire au peuple « voilà ce que je vous propose ».

Faire aujourd’hui ce qu’ont fait les Britanniques ne vous paraît pas possible, M. Bayrou ?

Cela ne me parait pas possible parce que l’état de l’Europe aujourd’hui ne correspond pas à ce que nous voulons. S’il y a un Président de la République française qui prend les choses à bras-le-corps, qui sait dire ce que nous voulons, qui est capable d’imposer quelque chose qui soit du lourd et du simple, de quelques pages, que tous les citoyens puissent comprendre, que l’on peut présenter au peuple, alors allons au référendum car je suis persuadé que c’est par le peuple que viendra la réponse à ce que le peuple hier a écarté.

 

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